La liberté au Maroc : sommes-nous vraiment libres ?
« Berceau des hommes libres, source des lumières… » Ces premiers mots de l’hymne national marocain proclament fièrement le Maroc comme la terre de la liberté. Mais qu’en est-il réellement de cette liberté au quotidien ? Sommes-nous libres au Maroc, et pouvons-nous l’être pleinement ? La question de la liberté se pose dans toutes ses dimensions – historiques, culturelles, sociales, philosophiques – tant la notion est complexe et multiforme. Dans cet article,nous explorerons ces différentes facettes pour comprendre ce que signifie être libre au Maroc. Du poids de l’Histoire aux évolutions sociales récentes, de la liberté d’expression aux libertés individuelles, et du débat philosophique aux réalités culturelles, examinons ensemble si oui ou non, nous pouvons être « des hommes libres » au Maroc.
1. Héritage historique et politique de la liberté au Maroc
L’histoire moderne du Maroc est profondément marquée par la quête de liberté. Après plus de quatre décennies de colonisation partielle par la France et l’Espagne, le Royaume obtient son indépendance en 1956 – un moment fondateur où la notion même de liberté prend un sens concret, celui de la libération nationale. Ce passé colonial a fait de l’indépendance un synonyme de liberté retrouvée pour le peuple marocain, cristallisé par la fierté d’être enfin maîtres de son destin. Le récit national exalte d’ailleurs cette idée, l’hymne évoquant le Maroc comme « terre de souveraineté et terre de paix », où « souveraineté et paix y [sont] à jamais réunies »fr.le360.ma.
Cependant, l’indépendance acquise ne signifia pas automatiquement l’instauration de toutes les libertés publiques. Les premières décennies post-indépendance, notamment sous le règne du roi Hassan II, ont été marquées par les « années de plomb », une période de répression politique intense allant des années 1960 à la fin des années 1980en.wikipedia.org. Durant ces années, la liberté d’expression et d’opposition était sévèrement restreinte, et de nombreux dissidents politiques furent emprisonnés ou réduits au silence. Ce paradoxe – un pays souverain mais dont les citoyens manquaient de libertés fondamentales – a durablement influé sur la conscience nationale. Le Maroc est resté un régime autoritaire de facto, où l’État surveillait étroitement la presse, les syndicats et toute voix dissidenteen.wikipedia.org.
Les choses commencent à évoluer dans les années 1990. Sous l’effet de pressions internes et internationales, le Maroc amorce une mutation profonde en matière des droits de l’Hommevillage-justice.com. La fin du règne de Hassan II et l’avènement du roi Mohammed VI en 1999 ouvrent la voie à une série de réformes politiques et juridiques. Des institutions dédiées aux droits humains voient le jour (telles que le Conseil consultatif des droits de l’Homme, devenu plus tard le CNDH), une Instance Équité et Réconciliation est mise en place en 2004 pour faire la lumière sur les abus passés, et le Code de la famille (Moudawana) est réformé la même année pour améliorer les droits des femmes. Ces réformes, encore incomplètes, témoignent d’une volonté d’ancrer la culture des droits de l’Homme au Marocvillage-justice.com.
Culmination de ces efforts, la Constitution de 2011 – adoptée à la suite du Mouvement du 20 Février et du « Printemps arabe » marocain – consacre explicitement de nombreuses libertés. On y affirme l’égalité des citoyens devant la loi, la liberté de culte, l’égalité hommes-femmes dans les droits civils et politiques, le droit d’expression et d’opinion, la liberté de la presse et le droit de réunion et d’association, entre autresvillage-justice.com. Sur le papier, le Maroc se dote donc d’un arsenal juridique moderne garantissant les libertés publiques et individuelles. Ce nouveau texte proclame même l’attachement du Maroc aux droits de l’Homme universels, signe d’une ouverture philosophique et politique village-justice.com.
En pratique, qu’en est-il ? Malgré ces avancées légales, la réalité demeure plus nuancée. Le roi Mohammed VI reste le détenteur d’un pouvoir étendu – chef de l’État, commandeur des croyants, contrôle des secteurs clés – ce qui limite de facto la portée de la démocratie parlementaire naissantefreedomhouse.orgfreedomhouse.org. La monarchie marocaine a certes abandonné certaines méthodes répressives du passé, mais elle continue de tracer des « lignes rouges » qu’il est dangereux de franchir : critique frontale du Roi ou de la monarchie, remise en question de l’intégrité territoriale (sujet du Sahara Occidental), offense à la religion islamique – autant de sujets tabous pouvant valoir des poursuites pénalesen.wikipedia.orgen.wikipedia.org. Des journalistes et activistes ont été condamnés ces dernières années pour avoir exprimé des opinions dissidentes, souvent sous des prétextes juridiques discutables (accusations de diffamation, d’atteinte à la sûreté de l’État ou autres)en.wikipedia.orgfreedomhouse.org. Les rassemblements de protestation sont possibles, mais restent étroitement surveillés, et peuvent être dispersés par la force dès qu’ils deviennent trop dérangeantsfreedomhouse.org.
En somme, le Maroc d’aujourd’hui est « partiellement libre ». C’est du moins le verdict d’organismes internationaux comme Freedom House, qui classe le pays à mi-chemin entre les démocraties libres et les régimes non libres (score global de 37/100 en 2023)freedomhouse.org. Cette situation hybride signifie que si certaines libertés – d’entreprendre, de circuler, de culte, etc. – sont relativement bien respectées, d’autres comme la liberté d’expression, de presse ou le droit à un véritable choix politique restent limités en pratique. L’héritage historique explique en partie cette lente évolution : le Maroc avance à son rythme, entre ouverture progressive et maintien d’un ordre politique traditionnel garant de la stabilité. Le défi est désormais de traduire pleinement les principes inscrits dans la loi en réalités vécues par les citoyens.
2. Liberté culturelle : diversité, identité et expression artistique
La liberté au Maroc s’exprime aussi sur le terrain culturel, à travers la riche mosaïque d’identités et de créations qui caractérisent le pays. Traditionnellement, la société marocaine est plurielle – arabophone et amazighophone, musulmane majoritairement mais historiquement marquée par la présence juive et chrétienne, enracinée dans des coutumes locales variées du Rif au Souss. Cette diversité culturelle est en soi un terrain où la liberté peut s’épanouir, dans la mesure où chaque communauté ou individu peut exprimer librement son appartenance et ses pratiques.
Des progrès notables ont eu lieu ces dernières années pour reconnaître cette pluralité. Par exemple, la langue amazighe (berbère), longtemps marginalisée, a été reconnue langue officielle dans la Constitution de 2011, aux côtés de l’arabe. C’est le fruit de décennies de militance pour la liberté linguistique et la préservation d’un patrimoine culturel ancestral. De même, le Maroc met en avant son héritage juif (restauration de synagogues, musées du judaïsme marocain) et assure aux minorités religieuses le droit de pratiquer leur culte dans la vie privéefreedomhouse.org. Ces gestes importants illustrent une certaine liberté culturelle institutionnalisée : celle de participer à la vie culturelle de son choix et de valoriser ses racines.
Sur le plan de la création artistique et de l’expression, le Maroc connaît depuis la fin des années 1990 ce que certains ont appelé une véritable effervescence, voire une « Nayda » culturelle. Nayda, en darija (dialecte marocain), signifie « ça bouge » ou « debout » – et c’est le nom donné à un mouvement culturel urbain alternatif, porté par la jeunesse marocaineafricultures.com. Né vers 2003 dans le contexte d’ouverture du règne de Mohammed VI, le mouvement Nayda a été qualifié de « renouveau artistique libertaire, pluriel, indépendant, en butte contre les conservatismes »africultures.com. Musique fusion, rock, hip-hop en darija, arts visuels, cinéma réaliste – la nouvelle scène marocaine bouscule les codes traditionnels et ose aborder des sujets autrefois tabous.
Dans les paroles crues des rappeurs comme Don Bigg ou H-Kayne, dans les riffs gnaoua-rock de Hoba Hoba Spirit, on entend la voix d’une jeunesse aspirant à plus de liberté, dénonçant la corruption, l’hypocrisie sociale, le chômage, et revendiquant le droit d’être soi-mêmeafricultures.comafricultures.com. « Chanter en darija était la chose la plus naturelle et la plus sensée à faire (...) surtout la liberté qu’offre cette langue », expliquait Don Bigg, soulignant qu’utiliser la langue de la rue lui permettait d’exprimer des réalités que l’arabe classique ne permet pas facilement d’aborderafricultures.com. Nayda, c’est aussi l’acceptation de la pluralité, l’indépendance, la volonté de se prendre en charge, de ne rien attendre des autorités… C’est passer d’un statut de sujet à celui de citoyen », analyse la sociolinguiste Dominique Caubet, qui voit dans cette effervescence culturelle une quête d’émancipation civique de la jeunesseafricultures.com.
Manifestation d’employés de la chaîne publique 2M à Casablanca en 2011, réclamant la fin de la censure dans les médias d’État (pancarte : « Tous mobilisés pour une visibilité du Pôle public »)commons.wikimedia.org
Le domaine du cinéma offre également des exemples parlants de cette liberté culturelle naissante. Des films marocains contemporains ont brisé des verrous en représentant des sujets sensibles avec réalisme : Marock de Leïla Marrakchi (2005) a abordé sans précédent la jeunesse dorée casablancaise entre fêtes et transgression du jeûne du Ramadan ; Much Loved de Nabil Ayouch (2015) a ouvertement traité de la prostitution à Marrakech, suscitant un vif débat de société (et une censure officielle) ; Casanegra de Nour-Eddine Lakhmari (2008) a dépeint la violence urbaine, la drogue, le langage cru des faubourgs de Casablanca, en rompant avec le cinéma marocain conventionnelafricultures.comafricultures.com. Si ces œuvres ont parfois choqué les franges conservatrices et subi les foudres de la censure (certains films étant interdits de diffusion au Maroc), elles témoignent néanmoins d’un espace de liberté créative en expansion. Il en va de même pour la littérature marocaine d’expression française, arabe ou amazighe, où des auteurs osent de plus en plus traiter de thèmes comme la sexualité, la religion, la politique, quitte à provoquer la controverse.
Bien sûr, la liberté culturelle au Maroc a ses limites et ses contradictions. L’État chérifien promeut une culture nationale officielle – arabo-islamique – tout en tolérant jusqu’à un certain point les expressions alternatives, surtout lorsqu’elles servent l’image de modernité du pays. Il n’est pas anodin que le festival L’Boulevard (festival annuel des musiques urbaines à Casablanca), longtemps ignoré par les autorités qui le voyaient d’un mauvais œil, ait fini par recevoir un soutien financier du Roi en 2009 pour effacer ses dettes et encourager la création musicaleafricultures.com. Ce geste symbolique a entériné la légitimité acquise par cette scène underground et montré qu’une partie de l’establishment intègre désormais ces nouvelles formes culturelles. À l’inverse, les courants islamistes et conservateurs continuent de diaboliser ces espaces de liberté artistique, qualifiant par exemple L’Boulevard de « repère de drogués et d’homosexuels »africultures.com. Ces tensions reflètent le tiraillement de la société marocaine entre un fond conservateur et un désir d’ouverture culturelle. Néanmoins, la tendance générale depuis deux décennies est à plus de liberté culturelle : on compose avec la censure en la repoussant toujours un peu plus loin, et l’essor d’Internet et des médias sociaux a offert aux artistes et aux citoyens de nouvelles plateformes d’expression moins contrôlables par le pouvoir.
3. Liberté sociale et libertés individuelles : entre traditions et changements
Si la dimension culturelle évoque la liberté d’expression artistique et identitaire, la liberté sociale renvoie plutôt à la vie quotidienne des individus, aux mœurs et aux normes de la société marocaine. Être libre socialement, c’est pouvoir faire ses choix de vie (mariage, études, profession, style de vie…) sans subir de contraintes indues – qu’elles viennent de la pression sociale, des traditions ou de la loi. De ce point de vue, le Maroc présente un visage contrasté, où de réelles avancées coexistent avec un poids toujours fort du conservatisme.
La place des femmes en offre un exemple parlant. Longtemps, les Marocaines ont vécu sous un régime juridique inégalitaire dicté par la Moudawana ancienne version : mariage des mineures fréquent, polygamie peu encadrée, nécessité d’un tuteur masculin pour le mariage, divorce quasi impossible pour les femmes, etc. La réforme de 2004 a constitué un tournant : désormais, les femmes peuvent se marier sans l’autorisation d’un tuteur, refuser la polygamie en le stipulant dans le contrat de mariage, et obtenir plus facilement divorce ou garde des enfantsmoroccoworldnews.com. Ces changements ont élargi la liberté personnelle des Marocaines. Dans les faits, on observe effectivement une lente évolution des mentalités : l’âge moyen du mariage recule, de plus en plus de femmes font des études supérieures et travaillent, et la parole se libère sur les violences subies (harcèlement, inégalités professionnelles, etc.). Morocco has also witnessed growing support for gender equality in recent yearslematin.ma (comme en témoigne un sondage où 60% des Marocains se déclarent favorables à l’évolution des lois sur les libertés individuelles et l’égalité hommes-femmes). Malgré tout, les résistances culturelles restent fortes – en particulier dans les milieux ruraux ou traditionalistes – et il n’est pas rare d’entendre qu’une femme « trop libre » serait contraire aux valeurs marocaines. Le débat public autour des droits des femmes est vif, entre les tenants d’une lecture conservatrice de la religion et ceux qui plaident pour une égalité pleine et entière au nom de la justice sociale.
Plus largement, les libertés individuelles – entendues comme le droit pour chacun de mener sa vie privée comme il l’entend – sont une frontière sensible au Maroc, car elles touchent à des sujets où s’affrontent tradition et modernité. Par exemple, la liberté de conscience (chacun est-il libre de pratiquer ou non une religion, voire d’en changer ?) est garantie partiellement par la Constitution qui stipule la liberté de cultefreedomhouse.org, mais elle atteint vite un mur invisible : dans un pays à 99% musulman, l’idée de se déclarer non-croyant ou de se convertir est socialement taboue et juridiquement risquée (le prosélytisme en faveur d’une autre religion que l’islam est pénalisé). De même, la liberté de ne pas jeûner pendant Ramadan a été revendiquée par un petit groupe d’activistes (le Mouvement MALI – Mouvement alternatif pour les libertés individuelles) qui organisèrent un pique-nique public durant le Ramadan 2009, dans l’espoir de faire évoluer la loi interdisant de « rompre ostensiblement le jeûne » en public. L’initiative a provoqué un tollé et les participants ont été interpellés par les autorités, illustrant la difficulté de faire accepter ce genre de liberté individuelle dans l’espace publicresetdoc.orgresetdoc.org. Le consensus social majoritaire reste attaché à l’observance collective des pratiques religieuses, reléguant la liberté de conscience à la sphère strictement privée.
Un autre enjeu est celui de la liberté dans la vie affective et sexuelle. Sur ce plan, le Maroc conserve un code pénal strict hérité d’une morale traditionnelle : toute relation sexuelle hors mariage est interdite par l’article 490 du Code pénal (un couple non marié surpris ensemble risque jusqu’à un an de prison), l’adultère est également un crime, et l’homosexualité est pénalisée (article 489). Ces lois sont de plus en plus contestées par une partie de la société civile, qui estime qu’elles relèvent de la vie privée et qu’elles vont à l’encontre des libertés individuelles garanties par la Constitutionresetdoc.orgresetdoc.org. En 2012, des militants associatifs et des personnalités publiques, tels que l’écrivain Ahmed Assid, ont appelé à l’abrogation de l’article 490 pour dépénaliser les relations sexuelles consenties entre adultes non mariésresetdoc.org. Cette revendication a suscité un vif débat : un journaliste ayant publiquement approuvé l’idée que sa sœur ou sa fille pouvait librement disposer de sa vie sexuelle s’est attiré une violente campagne de dénigrement de la part des conservateurs, allant jusqu’à des menaces de mort voilées de la part d’un prêcheur extrémisteresetdoc.org. L’affaire a reposé la question du choc entre deux conceptions de la liberté : d’un côté, des citoyens (souvent urbains, éduqués) qui appellent à plus de libertés individuelles conformes aux standards universels des droits humains ; de l’autre, une large partie de l’opinion qui voit dans ces libertés (ne pas jeûner, avoir des relations hors mariage, etc.) une transgression inacceptable des valeurs religieuses et morales. Le Maroc se retrouve ainsi tiraillé entre tradition et modernité, et cherche un équilibre. Certains évoquent une « troisième voie » marocaine où l’on préserverait l’éthique religieuse dans l’espace public tout en tolérant, dans la sphère privée, des choix individuels différents – un compromis encore flou et en constante négociationresetdoc.orgresetdoc.org.
Paradoxalement, les Marocains eux-mêmes n’accordent pas tous la même priorité à la liberté. Une étude récente menée par la Chambre des Représentants (2023) a révélé que 60% des Marocains interrogés déclarent préférer l’égalité à la liberté, contre 38% qui placent la liberté en premierfr.hespress.com. Cela ne signifie pas que les Marocains dédaignent la liberté, mais que beaucoup estiment sans doute que la justice sociale et l’égalité (notamment économique et des chances) sont le fondement d’une société plus juste, avant de pouvoir jouir pleinement des libertés individuelles. Cette donnée rejoint l’importance des solidarités familiales et locales dans la société : plus de la moitié des sondés considèrent que leur identité première est définie par la famille ou la communauté locale, plutôt que par leur seul individualismefr.hespress.com. Dans un tel contexte, la liberté est souvent pensée en lien avec la responsabilité vis-à-vis de la famille et de la collectivité. On se sent libre, oui, mais dans les limites de ce qui ne « déshonore » pas la famille ou ne heurte pas la cohésion sociale. C’est là un trait culturel majeur : la liberté existe, mais teintée de normes sociales implicites qui invitent chacun à l’autocensure par respect des aînés, des voisins, du qu’en-dira-t-on. Par exemple, un jeune peut théoriquement choisir le métier ou le conjoint qu’il souhaite, mais il tiendra compte de l’avis familial ; une femme peut légalement sortir non voilée et mener une vie active, mais elle subira peut-être des jugements sociaux désapprobateurs selon le milieu.
Malgré ces contraintes, les évolutions sociales jouent en faveur d’une plus grande liberté individuelle à long terme. L’urbanisation, l’élévation du niveau d’éducation, l’influence des médias et d’Internet façonnent de nouvelles mentalités. Les jeunes générations, nées entre 1990 et 2010 par exemple, sont qualifiées de « génération du millénaire » connectée : elles ont grandi avec les idéaux de la globalisation et de la liberté, utilisent massivement les réseaux sociaux pour s’exprimer, et placent la liberté d’expression, la démocratie, les droits humains en bonne place de leurs valeursmoroccoworldnews.commoroccoworldnews.com. En Morocco, millennials are beginning to criticise the foundations of traditional culture and expanding the frontiers of freedom, notamment en exploitant l’espace virtuel du web où ils peuvent discuter plus librement qu’ailleursmoroccoworldnews.commoroccoworldnews.com. Ce décalage entre la base (une jeunesse de plus en plus ouverte) et le sommet (une société et un système politique encore conservateurs) crée des frictions, mais pousse irrésistiblement à plus de libertés sociales dans le futur.
4. Perspectives philosophiques : la liberté dans la pensée marocaine
Au-delà des aspects pratiques et concrets, la question « sommes-nous libres au Maroc ? » engage aussi une réflexion philosophique. Qu’entend-on par liberté dans le contexte marocain, imprégné de valeurs arabo-islamiques et berbères, et comment la pensée marocaine a-t-elle abordé ce concept au fil du temps ?
Il faut d’abord noter que dans la culture arabo-islamique, la notion de liberté (hurriyya en arabe) n’a pas tout à fait le même parcours historique que dans l’Occident libéral. Traditionnellement, la liberté était envisagée surtout comme la liberté par rapport à l’esclavage (être un homme libre vs esclave) et comme la soumission volontaire à la volonté divine plutôt qu’à une tyrannie humaine. La société marocaine précoloniale fonctionnait sur des équilibres communautaires, tribaux, où l’individu existait surtout en tant que membre d’un collectif (famille élargie, tribu, oumma islamique). La liberté individuelle, entendue comme autonomie personnelle absolue, était une notion peu mise en avant par la philosophie traditionnelle. En revanche, la justice, l’équité, l’honneur du groupe importaient davantage. Cette primauté du collectif sur l’individuel teinte encore la mentalité marocaine contemporaine.
Avec la modernisation et le choc de la colonisation, puis des idées importées (nationalisme, libéralisme, socialisme), les penseurs marocains ont progressivement intégré la question de la liberté dans leurs préoccupations. Durant le mouvement nationaliste anti-colonial, des intellectuels comme Allal El Fassi ou Mohammed Hassan El Ouazzani concevaient la liberté surtout comme l’indépendance de la patrie et la renaissance de la nation marocaine face à l’oppression étrangère. Après l’indépendance, la réflexion s’est élargie aux libertés publiques et politiques : la Constitution marocaine de 1962 déjà mentionnait l’attachement aux droits de l’Homme, reflet de l’influence d’une pensée juridique modernevillage-justice.comvillage-justice.com. Néanmoins, pendant des décennies, le débat intellectuel restait contraint par l’autoritarisme ambiant (rare étaient ceux qui osaient théoriser ouvertement la liberté d’expression ou la démocratie, au risque de la prison).
Depuis les années 1990, un discours philosophique plus libre émerge au Maroc, porté par une ouverture relative et par la circulation des idées globales. Des penseurs, islamistes modérés ou laïcs, confrontent leurs visions. Un ouvrage collectif récent sur « La liberté dans la pensée arabe contemporaine » souligne que la notion de liberté est devenue « un sujet de préoccupation central depuis la Nahda (renaissance arabe) jusqu’à nos jours, et qu’elle constitue un concept complexe et multidimensionnel, au carrefour de plusieurs problématiques (progrès, développement, modernité) qui interagissent entre elles »carep-paris.org. En effet, réfléchir à la liberté conduit nécessairement à interroger d’autres enjeux : la justice (peut-on vraiment être libre si l’on est dans la misère ou l’inégalité ?), la religion (quelle place pour la liberté de croyance dans un pays musulman ?), la pluralité (comment concilier la liberté de chacun avec la cohésion de tous ?).
Certains intellectuels marocains contemporains tentent de trouver un équilibre entre la préservation des valeurs locales et l’adoption de l’esprit de liberté universel. Par exemple, le philosophe marocain Taha Abderrahmane plaide pour une conception éthique de la liberté inspirée des principes islamiques, où la liberté n’est valable que si elle s’accompagne de responsabilité et de moralité. D’autres, comme le penseur Amazigh Ahmed Assid, adoptent une approche plus laïque en affirmant que la liberté de critique (y compris de la religion) est nécessaire au progrès de la sociétéresetdoc.org. Ces débats, parfois vifs, témoignent d’une vitalité intellectuelle nouvelle : la question de « quelle liberté voulons-nous ? » est posée ici et maintenant, pour reprendre le titre d’une conférence de l’universitaire Fahmy Jadancarep-paris.org.
Dans ces échanges, on voit aussi resurgir la dialectique entre tradition et modernité. Nombre d’auteurs soulignent que le Maroc cherche une voie originale : ni copie conforme du modèle occidental de la liberté individuelle, ni rejet total de celui-ci au nom du conservatisme. Comme l’analyse un article sur le resetDOC : « le défi pour le Maroc et le monde arabo-musulman depuis deux siècles est de savoir s’il faut suivre le modèle euro-occidental ou pas… Le Maroc n’échappe pas à ce tiraillement. La spécificité marocaine est de vouloir garder sa monarchie et sa religiosité, tout en s’ouvrant au paradigme universel de la liberté et de la démocratie »resetdoc.orgresetdoc.org. En somme, le Maroc tente d’être ce « troisième espace où l’Orient et l’Occident se rencontrent », une société où l’individu serait de plus en plus libre tout en demeurant fidèle à certaines valeurs collectives héritées.
Philosophiquement, être libre au Maroc pourrait se définir ainsi : c’est jouir de droits et possibilités d’épanouissement (éducation, expression, choix de vie) dans le respect d’autrui et de la communauté. C’est une liberté relative, parfois critiquée comme incomplète par les uns, mais défendue par les autres comme évitant le chaos d’un individualisme sans frein. Cette tension apparaît nettement dans les discussions autour de la laïcité, de la liberté sexuelle ou de la critique religieuse : les progressistes y voient l’aboutissement logique de la liberté, tandis que les conservateurs y voient une pente dangereuse vers la perte d’identité et de moralité. Pourtant, le simple fait que ces sujets soient aujourd’hui débattus ouvertement dans les médias, les livres, les cafés et en ligne est en soi un signe d’élargissement du champ de la liberté de penser au Maroc par rapport à il y a quelques décennies.
5. Conclusion : Vers une liberté marocaine pleine et entière ?
Alors, pouvons-nous être libres au Maroc ? À la lumière des éléments historiques, culturels, sociaux et philosophiques examinés, la réponse est oui – mais avec des nuances. Le Maroc a parcouru un long chemin, de la sujétion coloniale et de l’autoritarisme des années de plomb vers davantage de libertés formelles et réelles. Nous jouissons aujourd’hui de libertés impensables pour nos aïeux : liberté de former des associations et une presse (relativement) indépendante, liberté de voter et de débattre (malgré des limites), liberté pour les femmes de poursuivre des études et des carrières, liberté de créer artistiquement en osant critiquer la société, etc. Chaque Marocain, à son échelle, peut trouver des espaces de liberté à condition de naviguer avec intelligence dans le cadre normatif existant.
Il serait malhonnête de prétendre que nous sommes totalement libres. Des verrous subsistent et des combats restent à mener pour élargir le champ des possibles. La liberté d’expression, par exemple, gagnerait à être mieux protégée pour que la critique politique ou le journalisme d’investigation ne soient plus synonymes de risque judiciaireen.wikipedia.org. De même, de nombreuses libertés individuelles ne demandent qu’à être reconnues et respectées sans pour autant menacer la cohésion nationale : il est envisageable d’avoir un Maroc pluriel où cohabitent conservateurs et libertaires, croyants fervents et libres-penseurs, du moment que tous s’accordent sur le socle du vivre-ensemble et de la dignité humaine.
La liberté au Maroc, finalement, se construit pas à pas. Elle est le fruit d’une évolution gradualiste – parfois frustrante pour les impatients, mais qui a l’avantage de permettre à la société d’assimiler les changements. En tant que peuple, nous avons montré qu’il est possible de concilier attachement à nos valeurs et ouverture aux libertés modernes. L’exemple de la réforme de la Moudawana en 2004 l’illustre bien : obtenue grâce à la mobilisation de la société civile et soutenue par la volonté royale, cette avancée a amélioré concrètement la liberté des femmes tout en s’appuyant sur des références islamiques modérées pour emporter l’adhésionmoroccoworldnews.com. D’autres domaines attendent une démarche similaire (liberté de conscience, abolition des peines de prison pour délits d’opinion, dépénalisation de certains choix privés…), et nombreux sont les Marocains prêts à engager le dialogue pour y parvenir.
En guise d’illustration positive, on peut citer la vitalité de la société civile marocaine. Des milliers d’associations œuvrent aujourd’hui dans tout le pays, dans des domaines variés (droits des femmes, environnement, éducation, aide sociale). Leur existence même est un témoignage de liberté : liberté de s’organiser collectivement pour défendre une cause. Certaines ONG marocaines n’hésitent plus à critiquer des politiques publiques ou à dénoncer des injustices, ce qui aurait été inimaginable il y a encore 40 ans. De même, la jeunesse marocaine connectée – sur Facebook, Instagram, YouTube – s’exprime chaque jour, que ce soit pour faire de l’humour, de l’art ou parler politique. Cette génération invente sa liberté avec les outils du XXIe siècle, contournant souvent les anciens garde-fous. C’est là une grande source d’optimisme : comme on dit, « on ne peut pas enfermer indéfiniment un esprit jeune avide de liberté ».
En conclusion, oui, nous pouvons être libres au Maroc, et nous le sommes déjà en partie. La liberté parfaite n’existe dans aucun pays, mais ce qui compte c’est la trajectoire et la volonté collective. Notre hymne national nous rappelle que notre terre est le « berceau des hommes libres » – charge à nous d’en être dignes en faisant vivre cette liberté au quotidienfr.le360.ma. Être libre au Maroc aujourd’hui, c’est peut-être apprendre à concilier l’amour de nos traditions avec l’envie d’émancipation, c’est avoir le courage de penser et créer, tout en respectant autrui. La liberté est un voyage, pas une destination figée. Et sur ce chemin, le Maroc avance, pas à pas, porté par ses femmes et ses hommes libres. Le berceau des hommes libres continuera d’abriter des esprits libres, dès lors que nous garderons vivante l’aspiration à la liberté, indissociable de celle à la justice et à la dignitécarep-paris.org. En somme, être libre au Maroc, c’est possible – et c’est même en cours – pour peu que chacun de nous, à sa manière, ose la liberté et contribue à l’élargir pour tous.